Le recyclage des déchets plastiques pour l'éducation verte à l'école. La promesse d'un nouvel espoir pour la protection de l'environnement au Tchad ? Par SYLVAIN DJAREMBETE
Le Tchad, pays sahélien enclavé au cœur de l’Afrique, couvre une superficie de 1 284 000 km² 60% désertique, avec une population d’environ 17 millions d’habitants (INSEED), 78% rurale et 22% urbaine, composée de trois (3) zones climatiques (saharienne, sahélienne et soudanaise) sa température moyenne est de 35°C. Le Tchad subit de plein fouet les effets du changement climatique, entre autres :
– la rareté des pluies
– Réduction des terres arables ;
– L’abaissement du niveau piézométrique des nappes phréatiques ;
– L’assèchement continu des cours d’eau et du lac Tchad qui est passé de 25 000 km² à 2 500 km² aujourd’hui ;
– Diminution des ressources halieutiques, fauniques et fourragères ;
– Dégradation de l’environnement et des sols, etc.
La pollution par les déchets plastiques est un problème mondial qui touche de nombreux pays, y compris ceux d’Afrique. Au Tchad, comme dans de nombreux pays moins avancés, l’absence de politiques de gestion des déchets plastiques est une source de pollution environnementale grave. Par exemple dans la ville de N’Djamena et dans les provinces du Tchad, il est évident que les déchets plastiques abondent et contaminent les écosystèmes (sols, nappes phréatiques, êtres vivants, etc.). Cela a des conséquences qui passent souvent inaperçues, mais qui accentuent la vulnérabilité du pays et de sa population en proie à la pauvreté et aux effets néfastes du changement climatique. Pays d’élevage par excellence, le bétail ingère constamment des déchets plastiques, ce qui entraîne souvent des problèmes de digestion conduisant à leur mort. De plus, les déchets plastiques obstruent les canaux d’irrigation et les systèmes de drainage déjà insuffisants, provoquant des inondations dans les villes lors des saisons des pluies. Les conséquences de cette pollution par les déchets plastiques sur la santé humaine sont plus inquiétantes, mais les solutions à déployer ne sont pas à la hauteur. Des études scientifiques ont montré que l’exposition à long terme aux produits chimiques contenus dans les plastiques peut avoir des effets néfastes sur la santé, notamment des problèmes hormonaux, reproductifs et respiratoires (le nombre croissant de nouveau-nés souffrant de bronchite et les millions de personnes souffrant de fièvre typhoïde et autres dans les hôpitaux tchadiens, soulignent ces évidences scientifiques). La prolifération des déchets plastiques dans les mares et flaques stagnantes augmente le risque de maladies vectorielles dont le paludisme qui est la première cause de mortalité au Tchad depuis plusieurs décennies.
La ville de N’Djamena, capitale du Tchad, ne cesse de croître sous l’effet de divers facteurs. Cette situation a conduit à une extension anarchique de la ville sans infrastructures d’assainissement adéquates avec pour corollaire, l’importance actuelle de la production de déchets, des pollutions et nuisances qui leur sont associées et des difficultés de leur gestion. L’assainissement, l’eau potable et la gestion des déchets ménagers sont des éléments essentiels à l’amélioration des conditions de vie et de santé pour le bien-être social. Selon l’Ordonnance 11-014 2011-02-28 PR, (Article 3), le Code de l’hygiène et des dispositions communes du texte en vigueur au Tchad, stipule que » toute personne physique ou morale qui produit ou détient des déchets, dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore ou la faune, à dégrader les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits ou des odeurs et d’une manière générale à porter atteinte à la santé de l’homme, de l’animal et de l’environnement est tenue d’en assurer l’élimination conformément aux dispositions de la présente loi « . Faute d’une éducation notoire à l’assainissement et à la gestion des déchets plastiques accompagnant ces textes et dispositions, la question des déchets urbains est considérée et perçue dans une ignorance totale par les Tchadiens comme une « banalité ». Dans la recherche constante d’issues et de solutions appropriées à cette impasse sociale, la population et les mairies se rejettent mutuellement la responsabilité. Plus la pollution plastique prend de l’ampleur et de l’épaisseur, plus il est clair qu’il n’y a pas un début de solution efficace pour les villes tchadiennes, à part l’interdiction de l’utilisation des plastiques à usage unique (communément appelés Leda) dans la ville de N’Djamena, qui reste insignifiante.
L’ISEC CHAD est une section nationale de l’International Student Environmental Coalition (ISEC), un mouvement mondial de jeunes défenseurs de l’environnement qui s’efforce de faire progresser les compétences, les forces et le pouvoir des étudiants en matière de justice climatique afin de pousser avec force le monde vers une direction plus juste, plus inclusive et plus durable. La vision de l’ISEC TCHAD est de construire un pont entre les actions dont sa communauté a besoin aujourd’hui et un avenir vert libéré du changement climatique, de la désertification, des déchets plastiques et des combustibles fossiles, où les jeunes peuvent rêver plus grand et s’investir pleinement pour atteindre les ODD de l’ONU d’ici 2030 et mettre à jour l’agenda 2063 de l’Union africaine.
Afin de contribuer aux efforts des municipalités, des organisations de santé publique et des partenaires au développement du Tchad pour trouver des solutions urgentes et innovantes à cette préoccupation nationale, l’ISEC Tchad, avec l’appui technique de l’entreprise écologique Noudji Décor & Arts et du Global Wash Cleaning Network – GWCN, propose une initiative ambitieuse qui a vu l’investissement en temps, en énergie et en créativité de ses volontaires, sous le leadership technique de Bénédicte Motamra, Neldji Dohoram, Djimouya Honoré, Moussa Mahamat Boukar, le Responsable des Clubs Environnementaux, sous la coordination de Pitimbaye Sylvie, la Directrice Financière et du Recyclage de l’ISEC TCHAD, veut démontrer une approche innovante et créative d’une méthode fonctionnelle de gestion des déchets dans les écoles avec les étudiants, considérés comme des relais communautaires et des forces de construction de masse. Cela apportera une valeur ajoutée significative à l’utilité des déchets qui peuvent être des ressources utiles, tout en favorisant un environnement durable grâce à l’implication des étudiants et à la promotion des bonnes pratiques environnementales au Tchad.
L’objectif de ce projet est de sensibiliser les étudiants tchadiens aux questions environnementales liées à la pollution plastique en encourageant l’innovation et la créativité par l’utilisation de déchets plastiques pour réaliser des cartes du Tchad et des poubelles à titre d’exemples concrets. Le projet, qui en est à sa phase pilote pour tester la pertinence de l’innovation portée par l’ISEC Tchad, couvrira la région de N’Djamena, en ciblant près de 20 écoles (lycées et écoles primaires), en mobilisant et engageant 2000 élèves et 50 enseignants. L’objectif est d’atteindre plus de 08 tonnes de déchets plastiques recyclés, de réaliser 20 cartes du Tchad et la mise en place de 80 poubelles, en 06 mois et de tripler ces chiffres dans les 12 prochains mois.
L’innovation et l’approche durable à l’origine de cette initiative verte
Le projet d’éducation à l’environnement axé sur le recyclage de bouteilles en plastique pour la fabrication d’œuvres artistiques et de poubelles à distribuer dans les écoles tchadiennes présente plusieurs aspects innovants, une valeur ajoutée et une durabilité significative :
– l’utilisation de déchets plastiques pour réaliser des cartes du Tchad témoigne d’une approche innovante de la réutilisation des matériaux. Plutôt que de considérer les déchets comme un problème, ce projet les transforme en ressources précieuses. Il stimule la créativité et l’ingéniosité des élèves pour qu’ils repensent la façon dont ils perçoivent et utilisent les déchets ;
– la distribution de poubelles fabriquées à partir de matériaux recyclés montre la valeur ajoutée de ce projet. Ces poubelles offrent une solution pratique et durable à un problème environnemental majeur : la gestion des déchets. Elles contribuent à la propreté des écoles et à la prévention de la pollution de l’environnement. De plus, elles encouragent les élèves à adopter de bonnes pratiques de tri des déchets dès leur plus jeune âge, ce qui aura un impact positif à long terme sur l’environnement ;
– le projet est durable à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il favorise le développement d’une mentalité de recyclage et de durabilité chez les élèves, les adultes de demain qui deviendront ainsi des agents de changement dans leur communauté et, par extension, dans notre pays. En impliquant les écoles tchadiennes, ce projet d’éducation à l’environnement crée une culture de la gestion des déchets qui perdurera dans le temps et le projet peut facilement être mis en place à très grande échelle, d’une certaine manière, en ne nécessitant que très peu d’expertise financière et technique. De plus, en utilisant des matériaux recyclés, le projet contribue à la réduction de la consommation de nouvelles matières premières et à la réduction des déchets plastiques qui polluent l’environnement, dans un pays sahélien comme le Tchad, déjà à la pointe du changement climatique.
Alignement sur les priorités nationales
Le projet de recyclage des déchets plastiques pour la fabrication de la carte du Tchad et des poubelles dans les écoles tchadiennes est particulièrement pertinent et aligné sur les priorités du gouvernement et les objectifs des partenaires au développement du Tchad en matière de changement climatique au Tchad.
Le gouvernement tchadien, dans ses efforts pour relever le niveau d’ambition de ses CDN, reconnaît l’importance de la gestion des déchets et de la lutte contre la pollution plastique pour préserver l’environnement et améliorer la santé publique. Le projet de recyclage des déchets plastiques répond directement à ces préoccupations en offrant une solution concrète, créative et innovante pour réduire la quantité de déchets plastiques et promouvoir une économie circulaire et inclusive. En outre, le projet est lié aux objectifs du gouvernement en matière de développement durable et de changement climatique. En transformant les déchets plastiques en ressources utiles, le projet contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à la production et à l’élimination des plastiques. Il s’inscrit donc dans l’agenda national de transition vers une économie verte et résiliente et peut être une option privilégiée pour la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) au Tchad (entreprises de fabrication et de vente d’eau minérale, Brasserie du Tchad, etc.)
Quant aux partenaires au développement du Tchad, ils accordent une grande importance à la lutte contre le changement climatique et à la promotion de pratiques durables. Ce projet de recyclage des déchets plastiques constitue une approche innovante et concrète pour répondre à ces enjeux. Il s’inscrit également dans le cadre des efforts internationaux visant à réduire la pollution plastique, à promouvoir le recyclage et à renforcer la résilience des communautés face aux effets du changement climatique. Cette innovation pourrait être utilisée au niveau international pour inspirer d’autres organisations de jeunes activistes afin d’avoir un impact plus important.